ô Femme

Ô Femme

 

 

 

 

 

Dieu a permis à la femme de mettre au monde des enfants car elle a cette capacité à supporter, en polyvalence, toutes sortes de douleurs et la citation de feu l’humoriste Pierre Desproges a toujours amusé Sarah : « L’accouchement est douloureux. Heureusement, la femme tient la main de l’homme. Ainsi, l’homme souffre moins ».

 

 

 

Sarah ne parle pas en tant que féministe mais juste afin d’établir une réalité, surtout, au regard de ce qu’elle a pu écouter à travers le récit de femmes tout au long de ces années.

 

 

 

En effet, au fil du temps et de ses voyages, Sarah a rencontré et échangé avec plusieurs d’entre elles, que ce soit dans une gare ou dans une salle d’embarquement entre autres. C’est un peu de leurs témoignages qu’elle relate aujourd’hui car avoir été dotée de cette facilité d’écriture, reçue grâce à Dieu, lui permet de retranscrire leur histoire et peut-être d’ouvrir une brèche dans la compréhension, mais serait-ce utopique ? « Qui ne tente rien n’a rien » dit le proverbe alors, essayons de ce pas… d’écriture. Sarah constata que certaines femmes portaient ce regard triste et résigné comme si rien ne pouvait changer.

 

 

 

Elles s’étaient mariées et avaient connu l’euphorie d’avant le mariage, les échanges amoureux, les promesses tenues et surtout tout ce qu’elles voulaient entendre que le futur mari promettait dans le but d’avoir sa dulcinée.

 

 

 

Certes, sur le moment, il était peut-être sincère le futur époux car il voulait à tout prix que sa dulcinée le voie comme un prince charmant et la promise y croyait dur comme fer mais bien plus tard, ce fut le fer de l’enfer qui la battit.

 

 

 

Certaines voulaient se marier pour échapper au triste quotidien, d’autres à l’emprise de leur famille, à leurs mots acides et elles n’avaient donc que le rêve d’être emportées par un prince charmant pour les sauver du quotidien familial et, avant tout, des claques et insultes des frères cadets ou aînés qui étaient considérés comme des rois par leurs parents car c’étaient des garçons. Ils se permettaient tout et les parents acquiesçaient, fiers de leurs progénitures qui se prenaient pour de grands hommes.

 

 

 

Aussi Sarah a-t-elle ressenti le devoir de relater l’histoire de l’une d’entre elles, vivant dans un pays où, malgré l’évolution des lois pour soutenir la femme, leurs droits n’étaient pas toujours pris en considération dans des moments de détresse totale.

 

 

 

Une fois le mariage accompli, la mariée découvre au fil des mois que toutes les promesses tenues par l’époux commencent à se défiler et elle se rend compte que finalement, elle est tombée dans le filet. Elle devra patienter chez sa belle-famille avant d’aller vivre dans sa future maison qui demeurera virtuelle quelque temps durant et, finalement, indéfiniment.

 

 

 

La belle dame patiente dans son cœur, en se disant que cela arrivera un jour et elle cache ses pleurs, sa tristesse pour que son prince l’aimât toujours. Au fil du temps, elle se rendit compte qu’elle était tombée dans un engrenage car elle cohabitait avec la belle-famille et pas aussi belle que sa famille. Et là, la dulcinée finit par comprendre qu’« on sait ce qu’on perd, mais pas forcément ce qu’on gagne ».

 

 

 

La dulcinée passait tellement de temps dans la cuisine, à servir la belle-famille, les amis de la belle-famille, les amis des amis de la belle-famille qu’elle connaissait chaque parcelle et chaque recoin de la cuisine. D’ailleurs, elle s’était même liée d’amitié avec les casseroles, la cocotte-minute, les poêles qu’elle connaissait « au poil », lui apportant plus de « chaleur » que son prince charmant d’antan.

 

 

 

Lorsque son « prince » rentrait du travail, elle ne devait nullement se plaindre car sinon, il lui répondait : « mais pourquoi tu te plains, qu’as-tu fait de la journée ? Tu es nourrie, logée, habillée, que demandes-tu de plus ? » Elle retenait ses larmes et ne disait rien mais son for intérieur criait juste « j’ai juste besoin de ton affection et de ton amour, comme tu me l’avais montré avant le mariage !Où sont passées tes promesses disant que tu me protégerais ? ».

 

 

 

Les coups et les mots acides, ils en pleuvaient sur elle mais elle devait se taire, d’autant plus qu’elle avait déjà ce petit être qui grandissait dans son ventre. Il fallait qu’elle tienne le coup malgré sa grande fatigue. Lorsque sa famille la visitait, elle gardait la face pour un face à face à la hauteur. Ses parents ne s’en préoccupèrent point ou tout du moins, sa mère comprit tout de suite car elle avait vécu la même situation mais il fallait supporter.

 

 

 

Il était impensable qu’elle quitte son mari, où irait-elle ? Cela serait une humiliation pour sa famille et qu’en dira-t-on du « qu’en-dira-t-on » car les gens, les voisins, les « on-dit » étaient le principal souci de tout le monde. Il fallait, pour cette dulcinée, garder la face.

 

 

 

Elle se disait que si elle restait toujours souriante, un peu coquette mais pas trop, juste pour son mari (utiliser les mots « prince charmant » serait caduc), elle retrouverait sans doute un semblant d’émoi de leur première rencontre mais diantre : quelle illusion ! Il l’écoutait distraitement mais ne l’entendait pas, il la voyait mais ne la regardait pas, à part comme une baleine maintenant avec sa troisième grossesse. Lorsqu’elle lui disait qu’elle avait des envies, il lui rétorquait d’arrêter sa comédie.

 

 

 

Au final, elle se faisait disputer par son mari et sa belle-mère qui en rajoutait avec plaisir, en vociférant qu’elle n’était pas la première, ni la dernière et qu’elle devait arrêter ses caprices.

 

 

 

Difficile de trouver du soutien. La dulcinée n’en parlait pas à sa famille car elle ne voulait pas l’inquiéter non plus mais elle se sentait tellement… seule.

 

 

 

Le temps passait, la tristesse grandissait. La dulcinée passait son temps entre les casseroles et les couches mais bien peu avec son prince plus charmant du tout. Elle essayait de parler à son époux, de lui expliquer ce qu’elle ressentait mais il lui répondait sèchement : « Ah tu ressens

 

quelque chose toi avec tes trois gosses ! » Ses mots étaient de trop, tellement acides qu’ils lui brûlaient l’estomac.

 

 

 

Elle savait qu’elle ne pouvait plus retourner chez ses parents, elle ne voulait pas être un poids pour eux non plus avec ses trois enfants mais par-dessus tout, c’était montrer au qu’en-dira-t-on son échec. Elle avait quitté l’école jeune et à l’époque, son rêve était de se marier avec un prince charmant, malheureusement devenu odieux.

 

 

 

De toute évidence, elle n’aurait pas supporté, si elle était retournée chez ses parents, les sarcasmes de certaines cousines et certains cousins de sa famille et des voisins, attendant comme des vautours pour se jeter sur leur proie, lui posant mille et une questions désobligeantes, essayant de l’humilier et l’embarrasser au possible alors qu’elle était déjà anéantie.

 

 

 

Elle ne comprenait d’ailleurs pas cette méchanceté car certain(e)s étaient pratiquant(e)s mais cela ne les empêchait nullement d’injecter leur cyanure sur la pauvre victime déjà foudroyée par la douleur et le désespoir. Sur tout que les conversations au goût sucré du café au lait au premier abord, finissaient ensuite par un goût acide de la méchanceté.

 

 

 

Au lieu de lui remonter le moral, ils lui remontaient les bretelles pour la bêtise qu’elle aurait faite de quitter un homme aussi charmant, sans même connaître les tenants et aboutissants de son histoire.

 

 

 

Elle comprit que son époux la trompait mais se taisait et encaissait. Elle pria beaucoup, patienta énormément. Son mari finit par se débarrasser d’elle et la marmaille avec, en divorçant, pour pouvoir se remarier plus facilement.

 

 

 

Il rêvait de jumeaux et le voici agrippé vers une nouvelle conquête pour planter sa semence, mais voilà que la graine fut stérile. Après un second divorce en bonne et due forme, il s’attaqua à la troisième féconde qui, suite à des complications, lui mit au monde un enfant trisomique.

 

 

 

La dulcinée récupéra ses enfants et n’avait plus d’autre choix que de retourner chez ses parents qui comprirent que leur fille était réellement malheureuse et maltraitée. Le point positif est qu’elle découvrit, à ce moment-là, que ses parents l’aimaient vraiment. Ils l’entourèrent de tout le soutien et l’affection qu’ils n’avaient pas su lui offrir auparavant.

 

 

 

Elle ne se laissa pas abattre et vendit tous les bijoux en or reçus en dot lors de son feu mariage. Ses parents l’aidèrent un peu, bien qu’ils ne fussent pas riches, ce qui lui permit de s’installer dans la capitale, malheureusement sans ses enfants dans un premier temps.

 

 

 

Ce n’était pas facile pour la dulcinée car elle pensait souvent à ses enfants mais elle savait qu’ils étaient entre de très bonnes mains chez ses parents. Elle ne lâcha pas prise et ce fut non sans peine qu’elle trouva un travail dans un restaurant car elle n’avait pas de qualifications. Elle regretta amèrement de n’avoir pas poursuivi d’études avant de se marier. Au fur et à mesure, en effectuant de petits boulots, elle réussit à se payer des cours de couture car elle adorait créer des modèles.

 

 

 

Finalement, son diplôme de couturière en poche, elle fut embauchée dans un atelier, après deux années d’apprentissage. On reconnut son talent dans cet atelier de mode, prisé dans tout le pays. Elle finit par apposer sa signature sur les modèles qui se vendaient avec succès.

 

 

 

Elle s’installa dans un appartement qu’elle décora à son goût et pour la première fois de sa vie, elle se sentit libre. Elle avait suffisamment économisé pour installer ses enfants dans la capitale et les scolariser, se promettant que les filles recevraient les mêmes droits et le même respect que le garçon en matière d’éducation, de sorte qu’elles ne se retrouvent pas démunies, quoiqu’il arrive.

 

 

 

Ses parents furent admiratifs sans l’exprimer car ils n’étaient pas des expressifs du sentiment. Ils étaient fiers du chemin parcouru par leur fille qui pourtant, avait beaucoup subi.

 

 

 

Comme les nouvelles allaient vite dans son petit village natal, l’ex-prince non charmant tenta de la reconquérir en prince de nouveau charmant. Son troisième mariage battait de l’aile et il avait besoin de renouveau. Il avait conservé ce côté calculateur, d’autant plus que son ex-première femme s’était embellie, tellement elle s’était épanouie…sans lui, bien évidemment. Ses tentatives furent bien vaines et il le comprit à ses dépens.

 

 

 

Étant une femme droite et honnête, elle n’empêcha ni son ex-mari, ni sa « belle » famille de revoir ses enfants car elle tenait à ce que ces derniers ne soient pas touchés par des problèmes d’adultes dont ils n’avaient pas à assumer les conséquences, mais en aucun cas elle ne voulait les recevoir chez elle. Leur père venait les chercher et les ramenait durant certaines périodes scolaires.

 

 

 

Aussi, ne désespérez jamais ! Même si cela doit prendre du temps, la patience est la meilleure récompense de la vie et il faut croire en soi avec beaucoup de foi, sans ne jamais laisser personne vous dénigrer et vous annihiler au point de ne plus pouvoir avancer.

 

 

 

Finalement, il faut cesser d’être le miroir de l’autre et si quelqu’un tente de prendre un chemin qui lui convient, il ne conviendra pas forcément à l’autre car chaque être humain est unique et, chacun doit vivre sa propre expérience selon sa propre volonté et cette volonté, vous seul(e) pouvez la forger au gré de votre croyance, en vous… et là, tout est possible !

 

 

 

Aussi, Sarah terminera-t-elle par ces deux citations, l’une de Mark Twain, écrivain :

 

 

 

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ».

 

 

 

et l’autre de Charles Lutwidge Dodgson, dit Lewis Carroll, auteur du conte Alice au Pays des Merveilles (1865) :

 

 

 

« Le meilleur moyen de réaliser l’impossible est de croire que c’est possible ».

 

 

 

Extrait du recueil de nouvelles de Bel Baska « Pour une femme ordinaire ».